Continuité
Une fois n'est pas coutume, commençons par voir un exemple de ce que n'est pas une fonction continue : En traçant la fonction partie entière $x \mapsto E (x)$, on obtient une allure de courbe par morceaux : Ce type de courbe est le parfait exemple de fonction non continue. Pour faire simple, une fonction serait continue si on peut tracer sa courbe à main levée sans lever le stylo... ... mais ce n'est pas très mathématique. La définition correcte repose sur une observation qu'on peut faire sur la fonction partie entière : Sur la "courbe en escalier" précédente, on remarque que même pour un petit déplacement sur les abscisses, les ordonnées peuvent varier brutalement. Si une fonction est continue ça ne peut bien sûr pas se produire. Dans la véritable définition, cette idée de petit déplacement est exprimée à l'aide d'une limite : Soit $f$ une fonction définie sur $I$ et $a \in I$. Alors $f$ est continue en $a$ si $f (a)$ peut être approché par une limite finie, c'est à dire si: $$\lim\limits_{x \rightarrow a} f (x) = f (a) $$ On dira que $f$ est continue sur $I$ si elle est continue en tout $a \in I$. Les fonctions usuelles étudiées au lycée sont continues en général. Elles sont au moins continues par intervalles (comme la fonction "partie entière"). On pourrait penser que ça ne change pas grand chose si toutes les fonctions sont continues... c'est plus compliqué que ça, car en fait il y a beaucoup plus de fonctions non-continues que continues. Et oui ça surprend, mais comme on ne les étudie pas, on n'y pense pas ! Un peu comme quand on découvre qu'il y a beaucoup plus de nombres irrationnels ($\pi, \sqrt{2}, ...$) que de rationnels ($\frac{1}{3}, \frac{-2}{25}, etc...$)
Dans cette partie, on ne précisera pas à chaque fois que $f$ est une fonction continue sur son ensemble de définition $I$. Toute fonction dérivable sur $I$ est continue sur $I$. Ce chapitre concerne donc toutes les fonctions dérivables usuelles qu'on connait déjà sur leur intervalle de définition.

Hypothèse

Soit $f$ une fonction dérivable en $a$. Celà signifie que $f'(a)$ est un nombre réel. On rappelle que $$ f'(a) = \lim\limits_{x\rightarrow a} \frac{f(x)-f(a)}{x-a} $$

Objectif

On va montrer que $f$ est continue en $a$, c'est à dire : $$ \lim\limits_{x\rightarrow a} f(x) = f(a) $$

Raisonnement

On sait que pour $x\neq a$ : $$ f(x) - f(a) = (x-a)\times\frac{f(x)-f(a)}{x-a} $$ En faisant tendre $x$ vers $a$ : $$ \begin{array}{rlll} \lim\limits_{x\rightarrow a} f(x) - f(a) &=& \lim\limits_{x\rightarrow a} (x-a)\times\frac{f(x)-f(a)}{x-a} & \\ &=& \lim\limits_{x\rightarrow a} (x-a) \times \lim\limits_{x\rightarrow a} \frac{f(x)-f(a)}{x-a} & \text{par produit de limites}\\ &=& 0 \times f'(a) & \text{definition de } f'(a)\\ \lim\limits_{x\rightarrow a} f(x) - f(a) &=& 0 &\\ \end{array} $$ En conclusion $f$ est continue en $a$ car : $$ \lim\limits_{x\rightarrow a} f(x) = f(a) $$
La dérivabilité est une propriété plus forte que la continuité. En conséquence :
  • Il existe des fonctions continues non dérivables.
  • Une fonction non continue n'est pas dérivable.
Il existe deux exemples simples de fonctions continues non dérivables parmi les fonctions usuelles : La fonction valeur absolue est continue ("ça se voit"), mais n'est pas dérivable en $0$. En effet, en $0$, on observe deux candidats possibles pour une tangente (en bleu). Le nombre dérivé $f'(0)$On rappelle que le nombre dérivé $f'(a)$ est le coefficient directeur de la tangente à la courbe $C_f$ en $x=a$... quand elle existe !! n'est donc pas défini.

On peut calculer les limites du taux d'accroissement à gauche et à gauche à droite de $0$, mais elles diffèrent. Tout d'abord à gauche : $$ \begin{array}{rlll} \lim\limits_{x\rightarrow 0^-} \frac{f(x) - f(0)}{x - 0} &=& \lim\limits_{x\rightarrow 0} \frac{|x|}{x} & \\ &=& \lim\limits_{x\rightarrow 0^-} \frac{-x}{x} & \text{car } x\lt 0 \text{ sur } ]-\infty;0[ (\text{gauche de } 0) \\ &=& \lim\limits_{x\rightarrow 0^-} -1 & \\ &=& -1 & \\ \end{array} $$ Puis de même à droite : $$ \begin{array}{rlll} \lim\limits_{x\rightarrow 0^+} \frac{f(x) - f(0)}{x - 0} &=& \lim\limits_{x\rightarrow 0} \frac{|x|}{x} & \\ &=& \lim\limits_{x\rightarrow 0^+} \frac{x}{x} & \text{car } x\gt 0 \text{ sur } ]0;+\infty[ (\text{droite de } 0) \\ &=& \lim\limits_{x\rightarrow 0^+} 1 & \\ &=& 1 & \\ \end{array} $$ Le nombre dérivé en $0$ n'est donc pas défini.

La fonction racine carré définie par $f (x) = \sqrt{x}$ sur $I=[0;+\infty[$, est seulement dérivable sur $]0;+\infty[$ Cette fois, en $0$ il y a bien une tangente (en bleu), mais elle est verticale. Elle n'adment donc pas d'équation affine, et donc pas de coefficient directeur.

On peut calculer le taux d'accroissement entre $0$ et $x$ et sa limite quand $x$ tend vers 0 : $$ \lim\limits_{x\rightarrow 0} \frac{f(x) - f(0)}{x - 0} =\lim\limits_{x\rightarrow 0} \frac{\sqrt{x}}{x} =\lim\limits_{x\rightarrow 0} \frac{1}{\sqrt{x}}=+\infty $$ Le coefficient directeur de la tangente n'existe que si le calcul de limite précédent donne un nombre réel.

On peut aussi s'en rendre compte grâce à la fonction dérivée $f'(x) = \frac{1}{2\sqrt{x}}$ qui n'est pas définie pour $x=0$

Le théorème des valeurs intermédiaires (TVI) possède un énoncé un peu long, il y a plusieurs variantes, mais l'idée de fond est extrêmement simple. On peut utiliser l'image de l'ascenseur pour la résumer : Si je prends l'ascenceur au rez-de-chaussé pour monter au 10ème étage, à un certain moment, je passerai forcément par le 3ème étage... ou le 1er, 2ème, ou n'importe quel étage intermédiaire (entre 0 et 10) décidé à l'avance. La "valeur intermédiaire" est ce moment où l'étage intermédiaire est franchi.

Soit $f$ une fonction continue et croissante sur un intervalle $[a;b]$ fermé. Soit $k \in [f (a);f (b)]$.

Alors, l'équation $f (x) = k$ admet au moins une solution unique $\alpha \in [a;b]$

Ce théorème n'est vrai que parce que la fonction est continue. Sinon, l'existence d'une solution ne peut-être garantie comme on peu le voir sur le contre-exemple suivant : Pour une fonction $f$ non continue (et pourtant croissante) sur $[a,b]$, l'équation $f(x)=k$ n'a pas forcément de solution : On dira juste que dans le cas non continu, le théorème ne s'applique pas. Etude de fonction....

Le (ou les) théorème des valeurs intermédiaires, nous permet de justifier l'existence de solutions uniques à des équations

C'est un résultat théorique très important puisque jusqu'ici, on ne savait traiter que le cas des fonctions affines et des polynômes du second degré.

Pour reprendre l'image de l'ascenceur, on peut raisonner de la même manière avec un ascenceur qui descend.... ...et donc avec un fonction décroissante. Il n'y aurait qu'à remplacer dans l'énoncé précédent croissante par décroissante, puis $k \in [f (a);f (b)]$ par $k \in [f (b);f (a)]$. On peut aussi énoncer un théorème réunissant les deux cas en un seul : le cas monotoneUne fonction est monotone si elle est croissante ou décroissante (un seul des deux).

Soit $f$ une fonction continue et monotone sur un intervalle $[a;b]$ fermé. Soit $k$ entre $f (a)$ et $f (b)$

Alors, l'équation $f (x) = k$ admet au moins une solution unique $\alpha \in [a;b]$

On s'est placé jusqu'ici dans le cas où $[a;b]$ est un intervalle fermé. On peut toutefois étendre le théorème à d'autres types d'intervalles, ouverts, semi-ouverts, infinis, ... Le théorème fonctionne toujours, mais il faudra bien le formuler. On suppose que $f$ est une fonction continue et strictement monotone sur un intervalle $I$. Alors :
  • L'image de $I$ par la fonction $f$ est un intervalle $J$ (voir tableau ci-dessous)
  • Pour tout $k \in J$, l'équation $f (x) = k$ admet une solution unique $c \in I$
Intervalle $I$ Si $f$ strictement croissante sur $I$, $J$ est l'intervalle Si $f$ strictement décroissante sur $I$, $J$ est l'intervalle
$ [a;b] $ $ [f(a);f(b)] $ $ [f(b);f(a)] $
$ ]a;b] $ $ ]\lim\limits_{x \rightarrow a} f (x);f (b)] $ $ [f (b);\lim\limits_{x \rightarrow a} f (x)[ $
$ [a;b[ $ $ [f (a);\lim\limits_{x \rightarrow b} f (x)[ $ $ ]\lim\limits_{x \rightarrow b} f (x);f (a)] $
$ ]a;b[ $ $ ]\lim\limits_{x \rightarrow a} f (x);\lim\limits_{x \rightarrow b} f (x)[ $ $ ]\lim\limits_{x \rightarrow b} f (x);\lim\limits_{x \rightarrow a} f (x)[ $
Prenons l'exemple simple de la fonction $f$ la fonction décroissante définie sur $]\color{green}{1};\color{orange}{+\infty}[$ par $f(x)=\frac{1}{x-1}$. On sait que : $$ \begin{array}{rlll} & \lim\limits_{x\rightarrow \color{green}{1^+}}\frac{1}{x-1}&=&\color{red}{+\infty} \\ \text{et } & \lim\limits_{x\rightarrow \color{orange}{+\infty}}\frac{1}{x-1}&=&\color{blue}{0} \end{array} $$ Donc pour tout $k\in]\color{blue}{0};\color{red}{+\infty}[$, l'équation $f(x)=k$ admet une unique solution $\alpha \in ]\color{green}{1};\color{orange}{+\infty}[ $